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Guillaume Gagné : L’évolution des technologies nous obligent à toujours pousser la recherche, toujours aller voir qu’est-ce qu’il va arriver demain pour qu’on soit préparé à répondre à cette nouvelle menace.

Capitaine Adam Orton : Salut! Ici capitaine Adam Orton avec Le balado de l’Armée canadienne. Le futur, c’est maintenant et les façons les plus créatives d’utiliser les objets du quotidien qui font leur apparition sur le champ de bataille. Des drones qui servaient à enregistrer des vidéos d’amateurs de planche à roulette, lancent maintenant des grenades sur des chars d’assaut. Recherche et développement pour la défense du Canada s’est penché sur le problème et a trouvé de nouveaux moyens créatifs pour permettre à l’Armée de se protéger contre les drones. À Valcartier, je parle avec Guillaume Gagné, chercheur scientifique qui se joint à nous pour proposer des idées sur la façon d’y parvenir. Bienvenue au balado!

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Guillaume Gagné : Bonjour capitaine Orton et toutes les personnes à l’écoute. Donc, ça fait plaisir d’être ici aujourd’hui pour discuter avec vous au niveau de la lutte contre les drônes, leur apparition sur le champ de bataille et les moyens, justement, pour les contrer.

Capt Orton : C’est la meilleure traduction qu’on a eue sur le balado probablement. Donc, peut-être pour commencer, il y a des gens qui auraient peut-être même jamais entendu parler de l’RDDC. Qu’est-ce que vous faites là-bas?

Guillaume Gagné : Donc au niveau de RDDC, Recherche et développement pour la défense Canada, c’est un centre de recherche, donc il y en a plusieurs au niveau du Canada. On en retrouve du côté maritime, Halifax, Québec, quelques-uns à Ottawa, et du côté de Suffield en Alberta. Ce sont tous des centres qui regroupent plusieurs scientifiques de différents domaines. On retrouve du côté maritime des scientifiques qui vont s’attarder côté marine, au niveau des bateaux. Et côté de Valcartier puisque je suis ici, on va toucher au niveau de l’armement, test de munition, protection au niveau des soldats. Côté optique, donc moi je me retrouve où on exploite les capteurs qui sont utilisés sur les différents véhicules. Ou ça peut être porté sur le soldat en tant que tel, donc là on parle au niveau des drones. C’est une exploitation aussi qu’on peut utiliser à notre avantage également.

Capt Orton : Donc, en parlant de drones, donc je pense que ça fait longtemps à la télévision où on voit à des émissions où il y a des sketchs où quelqu’un essaie de chasser un drone dans leur arrière-cour qui les regarde faire. Donc on lance quelque chose après. Tu sais, c’est quelque chose de bien connu ça fait plusieurs années. Pourquoi est-ce que l’Armée canadienne commence maintenant à s’intéresser à contrer des drones?

Guillaume Gagné : Parce que de plus en plus, on retrouve les drones. Au niveau commercial, c’est facile à se les procurer. On n’a qu’à penser aux grands magasins d’électronique. On peut les acheter directement en ligne et son très peu chers, mais ça devient quelque chose qui est accessible à tous contrairement à l’époque où c’était plus réservé au domaine militaire. Il y avait certains modèles commerciaux mais rien qui était très sécuritaire, les distances de vol étaient plus limitées et donc les capacités l’étaient également. Donc pourquoi les militaires maintenant nous approchent, c’est que le drone en tant que tel peut être utilisé pour faire de la surveillance au niveau des militaires, connaître leurs positions mais également être utilisé comme arme. Donc on a vu certaines vidéos où les gens fixaient directement des grenades sur le drone. Donc on peut appeler ça une arme guidée ou on peut faire écraser le drone directement sur une plateforme, un véhicule, sur du personnel militaire, ou également tout élément essentiel ou vital.

C’est des exemples où justement qu’on voit en opération. On voit même du largage de grenades antichars ou autres munitions. On le voit en Ukraine présentement. Donc c’est une utilité qui est faite et donc je vous parlais des produits commerciaux, mais ça peut être également une personne qui peut acheter toutes les pièces séparément, puis assembler soi-même son propre drone. Donc le rendre plus flexible et répondre à son besoin.

Capt Orton : C’est sûr comme vous dites surtout avec aussi l’accessibilité des imprimantes 3D, vraiment il y a un espace de créativité où tu peux construire un drone qui fait presque n’importe quoi. Je regardais une vidéo sur YouTube la semaine passée puis, ils utilisaient un drone sur l’eau contre un vaisseau. Et j’étais là : Ah ouin, je n’avais même pas pensé à ça. Est-ce que vous pouvez peut-être décrire différents types de drones pour les gens qui pensent peut-être juste à un, genre une affaire à quatre hélices.

Guillaume Gagné : On retrouve tout ce qui est aérien donc quatre hélices. Ça peut être 6 hélices. Ça peut être jusqu’à 8 hélices. C’est certains que ceux qu’on retrouve beaucoup sur le marché constituent la menace prioritaire, c’est beaucoup les drones qui sont donc 4 hélices, les petits qu’on peut acheter, se procurer facilement, on retrouve aussi tout ce qui est à voilure fixe. Donc il y a différentes dimensions à ce niveau-là. On peut partir de petits drones qui sont commercialisés jusqu’au domaine militaire où on se retrouve quasiment avec une plateforme qui est aussi grosse qu’un avion habité.

On n’a qu’à penser prédateur, donc du côté américain qui est utilisé pour faire la surveillance et aussi qui est constitué d’un drone armé. Donc les drones, donc tout ce qui est système autonome, qu’on appelle aussi, ça touche aussi le côté maritime, que ce soit un bateau. Ça peut être également un sous-marin. C'est deux utilisations. On en voit également du côté commercial. Ce n’est pas seulement côté militaire. Aussi, il y a tout ce qui touche terrestre également. Plein de véhicules, on voit de plus en plus de robots pouvant se déplacer seuls. On a qu’à penser aussi à Amazon qui font de la livraison par robot. C’est pas encore au point, mais bon. Donc ça, ça fait simplement partie du développement de la technologie. Mais ça répond à des besoins côté militaire. Il y a des concepts de mules dont on peut parler où les militaires sont déchargés de leur matériel. Ils peuvent mettre ça sur un véhicule terrestre. Ils n’ont qu’à faire leur mission. Le véhicule va les suivre et comme ça, ça libère. Ça apporte moins de problèmes physiques et corporels au niveau du soldat.

Capt Orton : C’est vraiment vaste comme définition. Il y a des drones qui sont en forme d’animal. Tu en as à plusieurs hélices, je n’aurais même pas pensé, par exemple, à des prédateurs. C’est des drones assez larges à voilure fixe, mais j’ai entendu dire aussi qu’il y en a aussi des très petits à voilure fixe qui ont une bonne capacité de rester dans les airs pendant une période de temps assez prolongée.

Guillaume Gagné : Oui, oui, et bien il y a certains drones… bien tout ce qui est voilure fixe, habituellement ont des endurances plus grandes que ceux à seulement hélice. On a aussi la combinaison entre donc ce qu’on appelle le décollage vertical qui combine à la fois les avantages d’être à hélice où on peut faire un décollage vertical et ensuite on utilise la voilure fixe pour pouvoir avoir et aller chercher l’endurance que nous permet la voilure fixe. Donc c’est des choses qu’on voit également sur le marché.

Capt Orton : Avec toutes ces sortes de drones-là, quels outils est-ce que vous avez développé pour contrer les drones?

Guillaume Gagné : Au niveau de Recherche et développement de la défense Canada, on a regardé différentes technologies qui nous permettent d’observer les drones, de pouvoir les détecter et les classifier. Donc moi ça fait depuis 2017 que je regarde ce problème. Au départ, on a divisé les différentes technologies qui étaient en service actuellement. Donc l’Armée utilisait déjà des radars, utilisait déjà des systèmes optiques. Donc c’est des choses auxquelles on s’est attardées.

Valcartier a regardé l’aspect, moi ça touche plus le côté optique, caméra. Donc on regarde au niveau des différents senseurs disponibles sur les véhicules ou ça pouvait même être au niveau des jumelles que possède l’artillerie pour pouvoir regarder à quelle distance qu’on est capable d’observer un drone. Et l’inverse aussi, prendre le drone et savoir à quelle distance qu’on devient vulnérable.

Donc c’est des choses qu’on a regardées. Ottawa regardait l’aspect radar, côté radio fréquence également, et on a regardé aussi les munitions disponibles qui étaient en service à l’époque. Par la suite, on voit que l’industrie répond aux besoins civils. Plusieurs systèmes existent maintenant sur le marché, qui utilisent beaucoup la technologie d’interférence. On voit tranquillement l’apparition de solutions qui utilisent certaines munitions. Donc pour créer finalement un effet d’impact sur directement le drone pour le neutraliser.

Capt Orton : Si je comprends bien de ce que vous avez dit, on voit un mélange entre peut-être des impacts cinétiques versus non cinétique. Tu sais, tu as peut-être quelque chose comme vous dites des munitions pour empêcher les drones mais en même temps, de l’interférence c’est quelque chose un petit peu moins destructif, mais qui a d’autres capacités en termes de protection.

Guillaume Gagné : Oui, donc c’est ça. On regarde différentes technologies. Comme vous le dites, il y a des technologies qui sont destructives et d’autres qui sont non-destructives. Donc on peut penser à comme je vous disais le brouillage au niveau radio-fréquences. Donc on crée une bulle d’interférence autour de l’élément qu’on veut protéger. Donc le drone ne peut pas rentrer dans cette bulle. C’est une des choses qui peut être utilisée. Sinon au niveau plus destructif, on peut penser aux lasers haute puissance qui deviennent de plus en plus sur le marché accessible. Ça reste encore des technologies qui sont assez massives si je peux dire. Mais on voit tranquillement des solutions plus petites arriver. Également donc tout ce qui est cinétique, donc toutes les munitions que peut avoir au niveau des Forces armées canadiennes. Et également donc on voit des drones qui pourchassent d’autres drones. Donc beaucoup de solutions existent sur le marché, mais laquelle répond le mieux aux besoins des Forces? C’est là que vient rentrer Recherche et développement défense Canada qui font l’étude des différentes solutions et aident les Forces armées canadiennes à mieux répondre à leurs besoins.

Capt Orton : C’est là où la science entre en jeu disons.

Guillaume Gagné : Oui, oui, donc c’est vraiment là qu’on a plusieurs experts dans plusieurs domaines. Maintenant, les solutions sont nombreuses sur le marché. On est pas l’industrie, donc on ne développe pas nécessairement de technologie qui répondent aux besoins immédiats et on ne peut pas livrer 10000 solutions demain matin. Mais on peut aider beaucoup au niveau des Forces armées canadiennes à développer certains prototypes qui répondront à leurs besoins éventuellement. Ou de regarder qu’est-ce qu’il y a sur le marché, les tester, les évaluer, et pouvoir mieux informer sur les performances, la qualité des différentes technologies.

Capt Orton : Donc, avec tous ces essais, puis avec toutes ces technologies-là que vous avez regardées, est-ce qu’il y a quelque chose qui a ressorti en termes de qu’est-ce qui performait mieux ou qu’est-ce qui était plus intéressant?

Guillaume Gagné : Je vous dirais la première technologie qu’on voit qui est utilisée dans le domaine civil qui fonctionne bien présentement, la solution de brouillage est la solution que beaucoup de gens utilisent, parce qu’on ne se retrouve pas avec des problèmes de dommage collatéral. Donc c’est certain qu’il y a certains problèmes, peut-être d’utilisation lorsqu’on pense maintenant avec les drones qui utilisent le réseau cellulaire.

Capt Orton : C’est ça.

Guillaume Gagné : Donc, ça devient aussi un problème ou de sécurité civile si les gens font un brouillage de tout le réseau cellulaire. Ça peut devenir un problème si en cas de blessure, en cas d’accident, on ne peut pas appeler le 911 donc avec notre cellulaire. Donc, il faut faire attention, le brouillage aussi au niveau du GPS, c’est quelque chose qui ne peut pas être utilisé partout. Aussi l’utilisation dans les aéroports, ça vient enlever peut-être certaines communications radio. Mais, je vous dirais que la solution de radio fréquence est la solution la plus répandue. Pour la détection, maintenant on retrouve beaucoup de technologie côté radar, électro-optique, et aussi, donc électro-optique que je parle de lumière visible et infra-rouge, on a la détection de radio-fréquence.

Capt Orton : Comment est-ce que vous avez fait les essais sur ces technologies-là? C’était quoi votre processus?

Guillaume Gagné : On a différents tests, différents essais qu’on a fait au cours des dernières années. Certains tests ont été faits uniquement côté détection. À quelle distance, on est en mesure de détecter le drone. Que ce soit à voilure fixe. On l’a fait avec certains drones militaires dont le Raven, le Puma qui sont actuellement en opération. Mais également, donc des systèmes commerciaux. On a testé radars électro-optiques détection radio-fréquence. Et, ensuite on s’est intéressé à la partie de neutralisation au niveau du drone que ce soit non destructeur ou destructeur. Ça s’est fait justement donc parfois uniquement avec les différents centres de recherche et en collaboration avec différentes unités de l’Armée. Mais aussi, on a eu deux essais qui viennent du programme d’innovation qu’on appelle ‘sandbox’. En gros, c’est qu’on invite des compagnies à venir tester, évaluer leur technologie dans un environnement contrôlé. Parfois lorsqu’on voit des vidéos sur YouTube, on voit les beaux résultats, c’est ce qui nous est présenté par l’industrie et c’est tout à fait compréhensible. Donc même au niveau de la recherche, qu’est-ce qu’on présente à nos partenaires souvent on s’assure de montrer les belles choses tout en mettant des bémol à certains endroits pour garder une transparence à ce niveau-là. Mais ce que je voulais dire, c’est que l’industrie est invitée à pouvoir transmettre leur technologie que ce soit uniquement de détection ou de neutralisation ou une combinaison des deux. On voit des systèmes très complexes, très complets également, mais ça peut être aussi des technologies qui sont très efficaces pour la neutralisation et exploite peut-être les technologies d’une autre compagnie pour la détection.

Capt Orton : Quand vous dites sandbox, est-ce que vous pouvez décrire un petit peu le format de ces essais là?

Guillaume Gagné : Donc le sandbox, ça se déroule sur plusieurs semaines. On laisse le temps, un temps qui est discuté entre la compagnie et les organisateurs pour déterminer combien de temps ils ont besoin pour faire l’installation et quels tests ils aimeraient faire. Donc on leur propose déjà certains tests où on peut placer le drone à plusieurs kilomètres, faire une approche, de différente façon, haute altitude, basse altitude, différente vitesse d’approche. Donc ça devient toujours des tests qui sont contrôlés par nos organisateurs. On retrouve parfois plusieurs sites où on peut tester plusieurs technologies en même temps durant la même semaine. On a des équipes qui agissent comme la menace et la compagnie répond plus donc pour faire de la protection. Des fois, les scénarios sont très contrôlés. Mais parfois, on laisse place à l’imagination et on peut faire preuve d’un peu de créativité pour arriver avec différents scénarios qui surprennent parfois les compagnies.

Capt Orton : Pouvez-vous nous donner un exemple?

Guillaume Gagné : On peut s’amuser à utiliser une autre technologie, donc utiliser des fréquences différentes. Donc, changer les propriétés de l’appareil, pour qu’il soit dans une fréquence qui est aux limites de ce que les systèmes peuvent faire au niveau de la détection radio-fréquence et si je peux dire, la neutralisation. On peut arriver avec vraiment plusieurs drones en même temps. Des fois, certaines technologies ont peut-être un peu plus de difficulté à gérer et neutraliser plusieurs drones en même temps.

Aussi, on a déjà fait quelques tests où on testait la capacité, mais on rajoutait une balle sur le drone juste pour faire une simulation d’un largage de grenades, supposons. Si l’équipe de menace était en mesure de lancer la balle près des gens, près de l’appareil, donc eux ils étaient content de leur côté parce que c’est toujours un peu un jeu en termes de l’équipe de menace et c’est toujours de trouver le point ou l’élément qui va nous montrer les limites finalement de l’appareil qui va être testé.

Capt Orton : En parlant de limites, j’imagine que surtout dans des systèmes anti-drones, vous avez parlé de lasers, tu sais des lasers, ça a besoin de beaucoup de jus pour détruire un drone j’imagine. Je suis sûr qu’il y a différents niveaux de portabilité ou de puissance. C’est quoi les problèmes dans ce domaine-là de gestion d’équipement?

Guillaume Gagné : C’est certain qu’on retrouve plusieurs technologies laser. Ce qu’on voit sur le marché. Donc il y a des systèmes qui sont installés dans des conteneurs maritimes. Donc on installe toute la puissance nécessaire, le poste de contrôle et tout ça. Il y a des solutions qui ont 10, 20, même 30 kilowatts. C’est des solutions qui sont grosses, qui peuvent protéger sur de grandes distances, mais tranquillement on voit des solutions qui sont plus petites, qui peuvent s’installer sur des véhicules qui sont alimentés directement par les génératrices se trouvant sur les véhicules blindés par exemple. Et donc, ça nous permet finalement d’avoir une solution transportable et plus flexible si je peux dire.

Capt Orton : Ouin, ce n’est pas un soldat qui va transporter un conteneur maritime.

Guillaume Gagné : Non, non, non, non c’est certain. Oui, donc ça commence à être un peu plus gros à transporter. On n’est pas rendu à Star Wars avec des fusils laser portables. Ce n’est pas encore la chose. Donc parfois, on fait la blague avec mes collègues justement donc d’ajouter un petit son pour que ce soit représentatif un peu comme Star Wars, d’entendre le son du laser quand il est en opération.

Capt Orton : Tu mets des speakers dans ton conteneur pour que ça fasse le bon son.

Guillaume Gagné : Oui, oui.

Capt Orton : Donc, vous dites que vous consultez l’industrie. J’imagine que le développement sur place de la technologie, ça doit être assez difficile. Donc, c’est vraiment que vous interagissez avec l’industrie qui viennent démontrer qu’est-ce qu’ils ont à faire ou qu’est-ce qu’ils peuvent faire. Puis à partir de là vous faites une évaluation de la technologie?

Guillaume Gagné : On évalue la technologie sur plusieurs points : Combien de temps ça prend pour l’installer, donc qu’est-ce que ça nécessite comme installation, le temps que ça prend à installer comme je vous disais. Le temps que ça prend à aussi étalonner sur le terrain. Donc, on veut s’assurer que ça nous indique la bonne position qu'on suppose sur une carte. Et aussi, combien de personnes ça prend pour l’opérer, qu’est-ce que ça prend comme connaissance également et quelles sont les performances du système. Encore là donc ça fait plusieurs points. Mais c’est tout des points importants où on pense justement au personnel militaire qui parfois n’a pas beaucoup de temps pour pouvoir déployer un système sur le terrain. Donc ils veulent avoir à s’installer rapidement pour pouvoir être prêts le plus tôt possible et se sentir plus en sécurité avec des systèmes qui sont performants. Également, on regarde le nombre de personnes qui sont nécessaires, ça peut devenir un problème surtout sur des unités qui ont moins de personnel qui peuvent être attribuées à ces systèmes-là. Donc on voit également différentes solutions qui nous permettent à la fois d’éliminer, de retirer peut-être quelques personnes ou des systèmes de détection automatique où un bruit sonore peut nous avertir de quelque chose. Donc, ça enlève un certain niveau d’effort au niveau de l’analyste opérateur qui serait devant son écran toute une journée de temps. On essaie vraiment d’éliminer cette portion. Donc, il y a un travail de confiance à établir entre la technologie et justement les opérateurs. Mais parce qu'entre vous et moi, rester devant un écran toute une journée de temps, on perd rapidement notre concentration.

Capt Orton : Oui, c’est sûr, la concentration dans une zone de combat, c’est tout le temps un défi, parce que justement planter quelqu’un pendant des heures et des heures, ce n’est pas facile.

Guillaume Gagné : Non, non non. Ça c’est certain.

Capt Orton : Donc, avec tous ces essais là, est-ce qu’il y a des solutions créatives qui vous ont peut-être attiré votre attention où vous vous êtes dit : « J’aurais jamais pensé à essayer ça, mais pourtant, ça marche assez bien ».

Guillaume Gagné : Oui, il y a certaines technologies qui sont intéressantes, qui sont créatives. Donc on peut penser surtout à l’utilisation de drones pour pourchasser un autre drone. À l’époque, on était beaucoup centré sur l’utilisation de différents types de munitions et on peut penser à des plus gros calibres, des missiles même dans certains cas où les drones sont plus imposants. Donc, l’utilisation d’un drone pour chasser un autre drone, c’est des choses qu’on voit de plus en plus sur le marché. Et ça sort un petit peu de l’ordinaire de ce que les Forces armées canadiennes ont utilisé par le passé, qui sont habitués avec certaines technologies, mais ça devient une solution qui peut être flexible pour répondre à plusieurs besoins.

On reste quand même ouvert, on voit ce qui se fait sur le marché. Des fois, on est comme vous le dites, surpris dans l’innovation qui se fait de ce côté là, et aussi on reste ouvert à cette innovation. Il y a le programme d’innovation qui existe au niveau de la Défense. C’est quelque chose qui existe chaque année. On lance des défis à l’industrie et si l’industrie justement est ouverte à répondre avec de nouveaux types de technologie qu’on n’a pas encore vue, peut-être que la technologie n’est pas mature présentement, mais pourrait le devenir éventuellement et le programme d’innovation est là pour supporter l’industrie à développer ses nouvelles technologies.

Capt Orton : On n’aura pas le 21e Bataillon faucon anti-drone.

Guillaume Gagné : Non, ben ça c’est certain que les décisions ne me reviennent pas si jamais ça peut être une solution efficace, pourquoi pas. Mais je pense qu'au niveau de Recherche et développement défense Canada, on se concentre beaucoup sur les différentes technologies qui existent. Il y a une requête au niveau de l’armée qui a été envoyée récemment pour un besoin urgent opérationnel, une recherche d’information sur les différents produits qui existent. Et donc on regarde les solutions qui sont portées par le soldat, mais également montées sur les véhicules et pour l’utilisation sur un emplacement fixe. Donc si on peut penser supposons que la protection est une base montée sur un véhicule directement sur le soldat pour les petites unités.

Capt Orton : Est-ce que vous pouvez peut-être décrire un petit peu plus en détail les défis dans ces domaines différents-là? Comme protéger une base, vous avez accès à beaucoup de ressources pour supporter ce qui se passe. Un soldat, c’est assez limité. Est-ce que vous pouvez développer ce concept-là un peu?

Guillaume Gagné : Donc, c’est certain que les solutions vont être différentes, dépendant des scénarios. Donc comme vous dites, sur une base, on a accès à plus de ressources. Donc on est en mesure de pouvoir alimenter des plus gros appareils qui vont couvrir plusieurs kilomètres qui vont pouvoir avoir quelqu’un ou une équipe dédiée à pouvoir travailler sur l’appareil et pouvoir maintenir et aussi pouvoir observer les différentes détections, interagir avec dans une solution sur un véhicule, donc encore là au niveau de l’équipage, on est plus limité, on ne peut pas dédier plusieurs personnes à faire le même travail. La ressource en terme de puissance électrique va être moindre, donc on va se retrouver avec des systèmes qui vont être plus petits donc qui vont être moins lourds, qui vont pouvoir couvrir une zone qui va être intéressante pour la protection des militaires, mais va être un petit peu moins que les solutions qui sont sur des systèmes donc au niveau de la base. Et on termine avec le système qui est porté par le soldat. Donc, là encore on diminue la distance de performance, mais tout en gardant un volume qui est petit. On sait déjà qu'au niveau des militaires, les sacs sont bien remplis, beaucoup de choses à transporter. Des fois, c’est des missions qui sont longues, donc si on veut que le personnel militaire puisse transporter ces autres solutions, on leur ajoute une charge. Donc si c’est petit, qu’on peut facilement l’installer sur ce qui est déjà en service, donc ça devient quelque chose qui est intéressant pour eux. Mais on parle surtout de solutions qui sont radio-fréquence dans ce cas-ci donc les solutions transportables. Mais, en tout dernier recours, c’est certain qu'une personne peut faire usage de son arme pour essayer de détruire le drone qui est en approche-là c’est certain. Mais si ça peut être fait par une autre solution, économiser les solutions pour d’autres situations. Donc, ça peut être bien.

Capt Orton : Regardant de l’avant un peu, où voyez-vous la technologie de drone anti-drone? Est-ce que vous avez comme un sens où on s’en va avec tout ça?

Guillaume Gagné : Il y a un peu une roue qui tourne. Au cours des dernières années, on voit les technologies évoluer du côté de l’industrie sur les drones. Donc les capacités augmentent toujours. De meilleures caméras, de plus grandes portées, une plus longue endurance. Aussi, on se retrouve avec des protocoles de communication différents qui permettent moins de brouillage parce que des fois, en tant qu'usager, on aime être en contrôle de notre appareil en tout temps. Mais du côté des systèmes de neutralisation parfois bien ça crée finalement des problèmes. Les protocoles sont tout nouveaux, sont différents. On doit justement re-travailler sur la technologie. Donc, c’est tout le temps une avancée. On voit de plus en plus de systèmes sur le marché qui ont peut les laisser de façon totalement autonome. Donc, même si la neutralisation donc du lien de communication entre le drone et le contrôleur était perdu, le drone continuerait quand même sa course vers l’objectif qui lui est fixé. On voit ça arriver, donc c’est pour ça que on regarde d’autres types de solution. La solution de brouillage fonctionne à la vitesse que les technologies évoluent. Peut-être qu'on va être tourné vers des solutions qui sont cinétiques, des drones qui vont pourchasser d’autres drones. On a une panoplie de choses qui doivent être testées et nous obligent à toujours pousser la recherche, toujours aller voir qu’est-ce qui va arriver demain finalement pour qu’on soit préparé à répondre à cette nouvelle menace.

Capt Orton : Bon et bien merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous parler de toute votre recherche que vous avez fait au sujet.

Guillaume Gagné : Ça fait plaisir de pouvoir discuter et discuter avec vous capitaine. Merci!

[Musique commence]

Capt Orton : Merci beaucoup. Ça c’était Guillaume Gagné, chercheur scientifique avec RDDC à Valcartier et moi je suis capitaine Adam Orton avec Le balado de l’Armée canadienne. Prenez soin de vous.

[Musique termine]

© Sa Majesté le Roi du chef du Canada, représenté par la ministre de la Défense nationale, 2024